
Le patchouli, un ingrédient auquel chacun a un avis bien tranché, qu’il aime ou déteste. Puissant, enveloppant et persistant, il démontre à travers les époques qu’il est unique en son genre. Plongeons dans cet ingrédient essentiel de la parfumerie avec l’expertise de Marine Ipert.
Originaire d’Indonésie, le patchouli est une plante tropicale appartenant à la famille des Lamiacées. Ses petites feuilles vertes sont distillées à la vapeur d’eau, après avoir été séchées au soleil ou dans des structures appropriées, afin d’obtenir une huile essentielle riche en patchoulol, la molécule responsable de son odeur si caractéristique.
Selon Marine Ipert, créatrice de parfums, le patchouli dégage des arômes très intenses, boisés, avec des nuances terreuses et camphrées. Certains disent même qu’il évoque l’odeur d’une cave. Selon les variétés, le patchouli peut également révéler des notes plus gourmandes et chaleureuses, rappelant le chocolat.
Le patchouli est l’une des matières naturelles les plus utilisées dans la palette du parfumeur. Il rivalise avec la grande famille des agrumes, tels que l’orange, le citron, la mandarine et la bergamote, qui sont exploités à grande échelle. Cependant, le patchouli reste extrêmement apprécié, notamment pour la création de parfums chyprés.
Le patchouli incarne l’odeur puissante et caractéristique des parfums chyprés
Dans cette famille de parfums née avec Chypre de Coty en 1917, il est irremplaçable. « Le patchouli est l’empreinte olfactive de la fragrance », affirme Marine Ipert. Sa puissance et sa persistance sont clairement présentes en note de fond, mais son impact est également ressenti en cœur et en tête, grâce à ses multiples caractéristiques olfactives.
Le patchouli est un ingrédient clé dans les parfums chyprés classiques, où il s’associe à la mousse pour construire la base. Ensuite, on retrouve généralement un cœur floral et une note de tête plus fraîche composée d’agrumes. Selon la parfumeuse, cette combinaison se retrouve dans de nombreuses grandes créations chyprées telles que Aromatics Elixir de Clinique, Miss Dior de Dior, Mitsouko de Guerlain, et Polo de Ralph Lauren pour les parfums chyprés masculins.
Dans les fragrances ambrées, le patchouli est souvent associé à des baumes et à la vanille. De plus, il s’accorde également très bien avec les Colognes. Selon Marine Ipert, de nombreuses Colognes chyprées ont fait leur apparition, comme Eau sauvage de Dior ou Mûre et Musc de L’Artisan Parfumeur. Le patchouli apporte de la profondeur et de la rondeur aux Colognes, qui sont généralement très volatiles. Il est donc extrêmement utile, voire essentiel.
Il est intéressant de noter que le patchouli est l’un des rares ingrédients naturels qui ne peut pas être reproduit en laboratoire. Contrairement à la bergamote, au citron et à l’orange, dont les odeurs peuvent être imitées avec des molécules synthétiques, le patchouli possède une structure olfactive trop complexe et riche pour être copiée.
L’histoire du patchouli est également non conventionnelle
Importées en Angleterre pendant l’époque victorienne, les feuilles de patchouli étaient utilisées comme garniture dans les sachets de pots-pourris. En France, elles étaient utilisées pour protéger les étoffes en cachemire et en soie importées d’Inde des mites. Cependant, l’image du patchouli a changé au fil du temps. Associé à l’odeur de la prostitution à une certaine époque, il est devenu l’une des plantes emblématiques du mouvement hippie dans les années 1970, grâce à sa capacité à masquer l’odeur de la marijuana. Des parfums tels que Patchouli de Reminiscence sont devenus des références incontournables avec une concentration élevée en patchouli. Plus tard, le patchouli a évolué et a été utilisé dans des parfums tels qu’Opium d’Yves Saint Laurent en 1977, et Angel de Thierry Mugler en 1992, offrant une expérience olfactive moins enivrante, mais toujours distinctive.
Au début des années 2000, le patchouli entame une transformation
Sans renier sa puissance, il abandonne sa jeunesse fougueuse et se débarrasse de ses notes terreuses, parfois entêtantes. Il se prête désormais à la création de fragrances plus élégantes et lumineuses telles que Coco Mademoiselle, Miss Dior Chérie, Narciso Rodriguez For Her et Si d’Armani.
Marine Ipert explique qu’on les appelle les « neo-chypres ». Ce qui les distingue des chypres traditionnels ? L’utilisation d’un patchouli plus « propre ». Grâce aux techniques de distillation moléculaire ou fractionnée, on exploite uniquement certaines parties de l’huile essentielle, ce qui donne un patchouli aux caractéristiques particulières : plus moderne, avec une légère touche marine, presque « nettoyée ».
Un autre trait distinctif des chypres contemporains est l’absence de mousse de chêne, remplacée par une note synthétique appelée l’evernyl, plus douce et enveloppante.
« Il est plus sophistiqué qu’auparavant, tout en conservant son tempérament fort. Il reste associé aux femmes au caractère affirmé, avec cette petite touche de ‘J’assume de porter du patchouli' », reconnaît Marine Ipert. Une âme rebelle qui séduit ou dérange, mais qui ne laisse personne indifférent.
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