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Brancadoro, Italie – C’est ici, à Brancadoro, que se perpétue une tradition artisanale unique. Depuis 1978, le Gommino, emblème incontesté de la marque Tod’s, est façonné avec soin et minutie à la main. Une visite dans cet atelier historique nous plonge au cœur de la création de ce mocassin intemporel.
Le Gommino, dont on entend parler partout, est le véritable succès de Tod’s depuis plus de trois décennies. Chaque saison, de nouvelles déclinaisons de cuir, de couleurs et de finitions viennent enrichir la gamme des dix mocassins permanents. Mais ce qui maintient son statut de leader des ventes au sein du groupe familial de Brancadoro, c’est aussi la production de séries limitées et de commandes spéciales, qui suscitent un engouement constant pour ce mocassin de conduite doté de 133 picots, pas un de plus, pas un de moins. Et tout cela grâce au travail artisanal méticuleux qui perdure ici.
Le Gommino, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est pas une simple chaussure. Son histoire et sa conception technique le rapprochent davantage d’un gant que d’un soulier. À l’origine, ce mocassin était une peau grossièrement cousue, s’adaptant tel une moufle pour envelopper le pied, inspiré des modèles utilisés par les Amérindiens. Aujourd’hui encore, le Gommino est taillé d’un seul tenant, avec le cuir formant la tige se prolongeant jusqu’à la semelle, sans aucune couture. Seul le plateau sur le cou-de-pied est ajouté, nécessitant un assemblage minutieux qui rappelle les techniques de la ganterie ou de la confection. C’est Diego Della Valle, le PDG de Tod’s, qui a perfectionné et breveté ce procédé unique lorsqu’il a repris l’atelier de son père.
Le concept du mocassin de conduite ne lui est pas propre, car dès les années 60, la marque Car Shoe proposait des modèles similaires pour les amateurs de vitesse.
Cependant, c’est bien lui qui a développé la technique de coupe et d’assemblage du Gommino, ainsi que tous les petits outils nécessaires à sa réalisation. Avec fierté, il explique : « C’est un pur artisanat. La fabrication du mocassin Tod’s demande une multitude de gestes et d’outils, simples et précis à la fois, hérités du savoir-faire de mon grand-père, un cordonnier du village voisin. Lorsqu’un client achète un Gommino, il ne se rend peut-être pas compte qu’il s’agit d’un soulier entièrement fabriqué à la main. »
La confection d’une paire de Gommino nécessite entre quatre et six heures d’attention méticuleuse. Tout commence par la découpe du cuir avec des emporte-pièces, effectuée individuellement pour éviter les défauts naturels des différentes qualités de cuir. Ensuite, les picots en gomme sont insérés dans le cuir préalablement perforé, fixés avec précision grâce à un tracé de points qui assurent solidité et étanchéité. Le talon est rabattu, le colletto de propreté est posé autour du pourtour, et le plateau est ajouté à l’aide d’une aiguille et d’un fil ciré. On se croirait transporté dans un autre temps, dans l’atelier d’un tailleur travaillant exclusivement à la main. Ici, aucune de ces machines modernes utilisées dans l’industrie de la chaussure, qui assemblent tige et semelle en un clin d’œil.
Une particularité de la composition du Gommino, qui ne comporte aucune partie rigide, est que les quelque sept cents employés du site de production attenant au siège de Tod’s sont assurés que leurs compétences manuelles précieuses ne seront jamais remplacées par des robots. Cette absence de rigidité offre également un confort inégalé aux porteurs de ces mocassins.
Le modèle historique de Tod’s ne cesse de séduire. Afin de rester en tête des ventes au sein du groupe, qui inclut également les marques Hogan et Fay, ainsi que le chausseur Roger Vivier, le Gommino subit régulièrement des retouches pour s’adapter aux tendances du moment. Toujours renouvelé sans jamais se perdre dans des modifications drastiques, il conserve sa recette du succès en été. En hiver, il connaît un autre triomphe, avec des cuirs plus épais et plus sombres, voire même une tige haute dans le cas du Winter Gommino, qui s’apparente à une botte, tout en préservant sa légèreté, sa souplesse, son confort et bien sûr, ses 133 picots distinctifs.
Diego Della Valle avait un rêve en 1978 : créer une marque proposant « des produits utiles au quotidien qui sont conçus avec une part de rêve ». Pour y parvenir, il a mis tous les moyens en œuvre, en faisant appel aux stars dès 1996. En tant que précurseur, ses publicités associaient des clichés d’Audrey Hepburn, Cary Grant et Steve McQueen à de jeunes Gomminos, créant ainsi des juxtapositions à la fois anachroniques et efficaces, racontant l’histoire imaginaire d’un soulier qui avait traversé les années sans prendre une ride. Par la suite, de jeunes égéries ont remplacé ces icônes d’élégance. Comme partout ailleurs, le « qui porte quoi » a fini par l’emporter sur le « qui fait quoi ». C’est alors que la marque a revu sa communication, privilégiant son incontestable Italian Touch à travers les photographies d’Elliott Erwitt, un Américain. En somme, un retour aux sources en matière de publicité, tandis que la fabrication, elle, n’a pas changé d’un iota.
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